Monday, May 27, 2013

Le Pays basque veut son superdépartement



Le Pays basque veut son superdépartement


FranceInfo
le Dimanche 26 Mai 2013 à 06:50

Dans quelques jours, les Basques vont manifester pour réclamer la création d'un département autonome aux compétences élargies. Une demande qui révèle la manière dont la France traite ses identités régionales.

A travers la création d'un superdépartement, c'est leur identité que les Basques veulent voir reconnue. Et c'est ce qui fait peur à l'Etat. © Michel Feltin-Palas

Ils seront des milliers dans les rues de Bayonne la semaine prochaine. Des milliers à réclamer la création d'un superdépartement basque, doté de très nombreuses compétences. Et l'on aurait tort de ne pas y prêter attention car cette revendication a aujourd'hui largement débordé les rangs indépendantistes. On trouvera dans les défilés des membres de l'UMP qui s'étaient pourtant toujours opposés à cette idée ; des élus socialistes qui critiquent leur propre gouvernement ; des chefs d'entreprise côte à côte avec des syndicalistes, des responsables associatifs et, bien sûr, de simples citoyens. Tous demanderont que l'on profite de la réforme de la décentralisation en cours pour créer cette collectivité que les Basques réclament depuis la Révolution française, au moment où ils ont été mêlés aux Béarnais au sein du département des Pyrénées-Atlantiques.



S'il fallait résumer la question en une phrase, on pourrait dire ceci : sur le fond, la demande des Basques est justifiée, mais politiquement, elle a peu de chances d'aboutir. Voici pourquoi.



Longtemps, deux obstacles ont empêché les Basques d'obtenir leur département. Paris leur disait : rien ne sera possible tant que les terroristes d'ETA commettront des attentats et tant que les élus locaux seront divisés sur le sujet. Or, en 2011, ETA a annoncé un " arrêt définitif " de son activité armée et depuis, pas une seule explosion n'a retenti Outre-Pyrénées. Mieux : tous les spécialistes considérent qu'il ne s'agit pas d'une trêve, mais d'une rupture historique. Quant aux élus, on l'a dit, tous ou presque sont désormais favorables à cette idée.



La demande des Basques est d'autant plus justifiée qu'ils disposent d'une identité particulière, fondée notamment sur une langue très originale. Au fond, à travers ce superdépartement, c'est d'abord cette identité qu'il veulent voir reconnue. Au même titre que les Alsaciens, les Bretons ou les Corses, qui, eux, disposent de collectivités locales spécifiques.



Et pourtant, cela coince. L'Etat met notamment en avant le risque d'une dérive indépendantiste. Créer un département basque serait selon lui mettre le doigt dans un engrenage qui, à terme, pourrait déboucher sur l'unification des Pays basques français et espagnol. " Tout cela est dangereux pour l'unité de notre pays", a ainsi déclaré sur Canal + le ministre de l'intérieur, Manuel Valls.



Il faut pourtant dire les choses comme elles sont. Cet argument est caricatural. Non seulement il confond demande d'autonomie (à l'intérieur d'un Etat) et indépendance (à l'extérieur). Mais surtout, il feint d'ignorer que l'idée d'indépendance est hyper minoritaire au Pays basque : personne ou presque ne la réclame ! Au contraire :  créer un département reviendrait à installer à Bayonne un préfet, donc un représentant supplémentaire de l'Etat. On est vraiment à l'opposé de l'indépendance.



Comme on ne fera pas l'injure de penser que le ministre de l'intérieur est mal informé et encore moins stupide, les raisons de son opposition sont à chercher ailleurs. Pesonnellement, j'en vois trois.



La première, la plus mesquine, relève du pur calcul politique. Manuel Valls tient des propos caricaturaux sur le dossier basque parce cela lui permet de conforter son image d'homme à poigne. Le risque pour lui est d'autant plus faible que les Français le connaissent mal et ne lui en tiendront donc pas rigueur.



La seconde, plus sérieuse, est qu'au sein de l'Union européenne, François Hollande a besoin de l'Espagne pour faire pression sur l'Allemagne. Dans ces conditions, pas question de fâcher Madrid en donnant l'impression de faire des concessions sur le dossier basque.


La troisième est peut-être la plus fondamentale car elle ne dépend pas des circonstances. Si la force de l'identité basque est, de fait, le meilleur argument des défenseurs du superdépartement, elle est aussi, paradoxalement, leur plus grande faiblesse car elle fait peur à l'Etat. Il faut rappeler en effet que notre pays est culturellement et ethniquement disparate _ il n'y avait guère de raison qu'un jour, des Alsaciens se retrouvent avec des Corses, des Catalans et des Bretons au sein de la même nation. Pour cette raison, Paris a toujours veillé à contrôler les régions à la personnalité trop affirmée et à dévaloriser leur culture. Créer une collectivité sur une base identitaire est donc fondamentalement contraire et à sa philosophie et surtout à ses intérêts.

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